dimanche 3 juillet 2011

Grève de la faim : moyen de lutte ou acte désespéré ?


Les grévistes dits de la faim en refusant de s’alimenter, cherchent à alerter l’opinion publique et à provoquer une compassion massive capable d’infléchir les positions des responsables désignés de l’injustice subie. Toute communication et négociation étant devenues vaines, il est question d’infléchir la situation par une conduite extrême.

La grève de la faim, forme d’action non violente appelée jeûne politique ou encore jeûne de protestation est initiée et rendue populaire entre autres par Gandhi qui a usé de ce moyen dans sa lutte pour l’indépendance de l’Inde.

Toutefois il convient de distinguer la grève de la faim limitée de celle illimitée car ces deux ne poursuivent pas les mêmes objectifs.

La grève de la faim limitée est une méthode d'interpellation de l'opinion et des pouvoirs publics qui vise à dénoncer ouvertement une situation d'injustice. Il s'agit d'un moyen de conscientisation et non de contrainte.

A l’inverse, les grévistes de la faim illimitée au delà de la protestation et de la sensibilisation de l'opinion publique affirment leur détermination à poursuivre jusqu'à ce qu'ils aient obtenu gain de cause. Ils déclarent l'état d'urgence en risquant leur propre vie.

Ainsi, si une grève de la faim illimitée est entreprise pour un objectif hors de portée, elle ne serait qu'un geste de protestation désespéré et désespérant. Dans ces situations, les grévistes mettent un terme à leur projet avant que n'arrive l'irréparable et doivent reconnaître leur échec.

C’est le cas  de l’opposant Sénégalais Talla Sylla, qui avait entamé une grève de la faim illimitée pour contraindre le Président de la République à démettre son Premier Ministre et à mettre sur pied un gouvernement d’Union Nationale. Geste que les Sénégalais avaient jugés admirable mais non moins déraisonnable. Il s’en ait suivi un appel de certaines figures de la société civile, des milieux politique et religieux au renoncement de cette action périlleuse dont l’issue, s’il obstinait lui serait certainement fatale.

Du simple citoyen aux acteurs politiques en passant par les leaders d’opinion, la grève de la faim est devenue un grand classique. Au Sénégal, elle semble être à la mode depuis un certain moment au point de devenir banal. En effet des grèves de la faim tous azimuts, ont fini de donner une impression d’effet mode et ont dépouillé ce geste de tout son symbole et de son bien fondé.

Des étudiants qui n’arrivent pas s’inscrire à l’université aux élus locaux  qui exigent l’abandon d’un projet de découpage administratif de leur communauté rurale en passant par les travailleurs d’un hôtel de la place qui accusent leur Directeur de mauvaise gestion ; les Sénégalais usent et abusent de ce moyen pour se faire ‘‘entendre’’.

La dernière en date concerne les ex travailleurs de la Srg Icotaf. Au nombre de 20, ces ex travailleurs observent une diète depuis ce lundi 27 juin 2011. Ils réclament des arriérés de salaire. Le porte-parole des grévistes assure que ‘‘cette grève sera poursuivie tant qu’il n’auront pas satisfaction. Nous vivons un véritable calvaire dans le mutisme total des autorités. Nous avons mesuré tous les risques, mais l’heure est grave.’’

La Sénatrice et ex Directrice de la société Srg Icotaf, Oumou Salamata Tall, a démenti, devoir de l’argent à ces travailleurs…

On connaît la suite : une médiation afin de ‘‘convaincre’’ les grévistes de la faim à abandonner au nom de la religion – qui condamne le suicide - et du bon sens en échange non de la satisfaction de leur revendication mais de promesses sans aucune forme de garantie.

Un objectif hors de portée, un manque de pertinence de la revendication, une incapacité à générer du soutien, une dégradation de leur état de santé (pour ceux qui ne sont pas préparés à mourir) sont autant d’éléments qui poussent les grévistes de la faim au renoncement.

Comme dans toute autre action non-violente, c'est la réaction de l'opinion publique qui conditionne la réussite ou l'échec de la grève de la faim. L'épreuve de force ne se joue pas tant entre les grévistes et les responsables désignés de l’injustice mais entre ces derniers et l'opinion publique mobilisée à cet effet.

Si elles arrivent parfois à générer de la compassion voir de la solidarité, dans la plupart des cas les grèves de la faim se soldent par un échec. Dès lors, il est important d’étudier toutes les autres options possibles avant de prendre une telle décision, d’évaluer les chances de réussite et enfin, au cas où décision est prise de mener une grève de la faim, se doter d’une bonne stratégie de communication et de mobilisation afin d’engendrer un maximum de soutien de sorte à disposer d’un pouvoir de négociation et obtenir au pire des cas quelques concessions.


Faty Kane